Lorsqu’un jeu de mon enfance est annoncé de la sorte, je ne pouvais pas cacher mon enthousiasme. Le Zelda de ma GameBoy (oui, une GameBoy) allait être refait ! J’ai eu ce jeu alors que j’avais 5 ans ! Nintendo l’annonça par la refonte de sa cinématique d’introduction… Puis vinrent les graphismes, une »réinterprétation », façon jouet en plastique. La communauté fut partagée entre génie et outrage, moi j’étais plutôt impatient et curieux d’avoir une bonne raison de replonger sur l’île de Cocolint. Cet engouement se traduit chez un trentenaire comme moi par une précommande en bonne et due forme : quel con ... Car au final, après 8 heures de jeu à 100€ (c’est à peu près sa durée de vie et son prix en collector) ces raisons ne furent pas suffisantes, je ne me suis pas laissé embrumé mes lunettes de critique acerbe par ma nostalgie latente. D’après moi ce Zelda est un bon jeu mais il n’est pas un bon remake. Se posent alors les questions de »Qu’est ce qu’est un bon remake? » ou encore »Note-t-on le remake ou le jeu ? »

Est-ce nécessaire de présenter Zelda a Link’s Awakening ? Oui, il faut recontextualiser. Ce Zelda sort fin 1993 et fait suite directe de « Zelda A Link to the past » sur Super Nintendo en 1992, il est le premier à s’émanciper de la jeune demoiselle en détresse au grand bonheur de Marine de l’île Cocolint. Exit la 2D colorée magnifique de l’opus SNES, et bienvenue a une 2D en nuances de vert de la GameBoy. Pour l’époque, il faut l’admettre, c’était un véritable tour de force : le jeu est fluide, les sprites se rapprochent de son grand frère, la carte du monde est grande, la magie opère et nous nous plongeons dans les méandres oniriques de l’île du Poisson-Rêve. Le jeu assure une durée de vie convenable, des énigmes parfois pointues, et le gameplay est aux petits oignons. Link peut s’attribuer des objets aux touches A et B, il peut se mouvoir sur 8 axes, les écrans sont adaptés, l’action est claire et lisible. Chaque écran de jeu, qui coïncide avec l’écran de la console, est un condensé d’optimisation : tout est adapté à notre chère GameBoy. Une vraie pépite. A noter qu’une version DX, sortie 5 ans plus tard sur GameBoy Color accompagné … de la couleur (sans blagues) et d’un donjon bonus (ils sont toujours un peu radin chez Nintendo). Léger mais nice !
26 ans plus tard, sort Zelda : a Link’s Awakening Remaster. Le jeu reprend cases par cases ou presque son aîné. Exit la 2D, et voilà une 3D style » Tilte Shift « (comprenez par là, qui donne l’impression d’assister à une scène de jouets), une plastique très… plastique, et des décors tout mimi qui fourmillent de détails. C’est une sympathique « réinterprétation » d’un classique en somme. Ajoutez à cela une attribution automatique de certains contrôles, comme les gants de force, le bouclier et l’épée. Une pincée de 30 coquillages supplémentaires rajoute un brin de jugeote, un mode héroïque qui double les dégâts reçus et supprime aussi les cœurs et fées lâchées par les adversaires. Et … c’est tout. C’est une copie carbone de Zelda DX, un algorithme Nintendo de 3D-fication très propre nommé Grezzo studio. Le travail rendu est propre, mais … quel est l’intérêt ? Je veux dire, autre que faire de l’argent, ou « redécouvrir » un classique, à quoi sert ce Zelda ?
Je vous entend déjà dire :
- « Ce Zelda ne s’adressait pas à toi, mais à une génération prête à découvrir un ancien jeu »
- ou encore : « Cadeau fiston, le jeu de mon enfance, mais en plus beau ! »
- Ou bien pour finir : « La nostalgie n’opère plus sur toi, ce jeu n’est pas fait pour toi ! »
Et vous auriez sans doute un peu raison, mais aussi tort. Dire que je n’ai pas pris du plaisir à me replonger dans le jeu serait un mensonge, mais dire que c’est un plaisir en demi teinte n’en est pas un : j’éprouve un sentiment de » …. Meh …. », ainsi qu’un ressentiment envers tous les sites de « notation » de jeux vidéos : à vous tous, comme pour Skyrim VR, vous êtes pas toujours très dégourdis pour rester poli. Pourquoi, parce que c’est Zelda et Nintendo, vous « oubliez » le contexte ? Vous avez sulfaté d’autres remakes pour moins que ça. Zelda Remake est un bon jeu car le jeu de base l’était, mais c’était un jeu GameBoy. Si Game And Watch sortait en VR fullHD 4k je suis pas sur que ça serait un carton …

L’expérience de Zelda sur GameBoy répondait à un contexte précis : il répondait à des contraintes techniques, à un support, à un publique naissant, à un jeu précédent qui a marqué son temps. Il a été créé dans une époque où les limitations étaient sources d’idées, et non des freins. Ce contexte a créé une expérience portable, ou chaque écran de jeu a été réfléchi à part entière pour tirer profit de chaque octet de mémoire, afin de rêver une aventure unique ! Chaque goute de ce jeu est du concentré du génie de l’époque. Le gameplay découle directement des contraintes et de la comparaison avec Zelda SNES : pouvoir attribuer un objet à chaque bouton, explorer une mapmonde reconnaissable, parler à des PNJ, la capacité des joueurs à finir le jeu, la logique même du jeu découle de cette époque de 1993 et de la GameBoy …

Faisons un parallèle avec les autres adaptations de Grezzo et Nintendo : Zelda Ocarina of Time 3DS et Majora’s Mask 3DS
Son remake transpose cet expérience dans un écrin nouveau : la Switch et sa puissance. Dans les faits, cela reste un jeu GameBoy en 3D. Les Zelda transposés sur 3DS sont originaire de la N64 de 1999 et sont un autre travail : adapter un GamePlay d’un jeu console de salon (qui a juste imposé à l’industrie entières les bases de la plateforme action aventure 3D) à une console portable. Les graphismes ont aussi été revus, sauf que les bases sont plus complexes, plus profondes, la substance est différente. Le travail n’a, d’une manière assez injuste, pas besoin d’être plus profond que son support d’origine. Ils n’eurent besoin que de quelques savants maniements, assez subtiles pour préserver des sensations d’époques mises à jour, et en retirer des notes de frustration d’un GamePlay un peu poussiéreux ou d’un GameDesign labyrinthique (Jabu Jabu et ton temple de l’eau, TMTC). Dans le fond, le niveau de remaniement, les jeux en tant que remake, sont tout aussi … minimalistes. Dans les faits la formule marche mieux : le gameplay a bien vieilli. Nous nous demandons alors quel est le travail réellement demandé à Grezzo: un polissage de luxe, une réinterprétation, ou les deux ? Je pense que c’est là que Nintendo s’est planté : avec Zelda a Link’s Awakening, ils ont joué toutes les cartes sur le mauvais jeu. La réinterprétation enlève la magie onirique du jeu de base aux trentenaires, tout en apportant une expérience GameBoy à une génération qui grandit avec un GamePlay et GameDesign plus complexe et décomplexé mais qui répond à une logique qu’ils comprennent mieux, à laquelle ils adhèrent ! Pour moi, ils loupent le coche. Le Gameplay et le GameDesign, chose quasi inchangée a juste, trop vieilli …

Pour conclure un article bien trop long, je vais être un sale con : Nintendo sort le remake de trop, trop fier pour réinventer ses remakes, à une génération qui a bouffé trop de remakes, la presse doit revoir ses critères de notation, le client lui bouffe dans la main. Je me suis fait avoir : j’ai acheté la version collector par Nostalgie, en me disant que le jeu serait forcément bien. Le jeu est bien, mais j’aurai ressenti plus de plaisir à rejouer à la version GameBoy Color que j’ai déjà acheté sur 3DS bordel. Les remake doivent être évalués en tant que remake, le nostalgique doit accepter de voir se faire démonter un mythe si son gourou est avide de pognon. Zelda a Link’s Awakening Remastered est bon jeu GameBoy sur switch et un mauvais remake. Ah, et qu’on ne vienne pas me dire que c’est pas un jeu 3DS upscalé à mort. Zelda a Link’s Between Worlds en 4K a une plastique proche sur émulateur 3DS. Ma note : Fierté mal placée / 20.
PS : Un problème de débit m’empêche d’uploader plus de médias, et ma carte microSD de Switch m’a laché (et mes screenshots avec) … Un peu la poisse.
Parenthèse sur le mode Héroïque. C’est un challenge flemmard et frustrant : doubles dégats et pas de régénération peut sembler sur le papier intéressant. Sauf que dans les faits, les rigidités de maniabilité d’époque et les chutes de framerate entachent le défis. Link méritait peut être des ennemis supplémentaires, un donjon, ou même un mode miroir ? Heureusement que c’est débloqué d’emblée.
/************* ATTENTION MEGA SPOILER *******/ Voici les Screenshots de mon « aventure » …
Merci pour cette critique constructive, Doudou. J’adore Nintendo, mais il y a des fois où ils se foulent pas. « Ça a marché il y a 30 ans, alors on va faire le même en plus beau pour que les trentenaires l’achètent par nostalgie et en plus facile pour que les jeunes de maintenant l’achètent aussi ». Ils savent faire des jeux beaux et très bons, mais ils savent surtout faire énormément de pognon. Et nous on se dit à chaque fois « allez, ça peut être chouette ». Parfois on est agréablement surpris même ravis, parfois (et c’est dommage) bien décus.
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