Vivre par procuration une vie de Lycéen cherchant à démasquer un tueur en série dans un bled paumé vous tente ? Alors accompagnez moi dans la campagne Japonaise d’Inaba, et suivez cette histoire magnifique qu’est Persona 4 avec moi.

Découvrir un jeu Persona, c’est toujours une appréhension : est-ce qu’on va autant kiffer que les autres auquel on a déjà joué ? Ces titres ne sont pas seulement des RPG : ce sont des fragments de vie, une année entière vécue par procuration, rythmée par l’école, les amitiés, et les mystères. Après avoir terminé Persona 5 Royal (2 fois) et Persona 3 Reload l’an dernier, je me suis enfin plongé dans Persona 4 Golden sur Switch, dans son édition physique Limited Run. Et une fois encore, la magie a opéré : qu’est-ce que j’aurais aimé découvrir ces jeux lorsque j’étais moi-même lycéen…

Évidemment, Atlus reste Atlus : à l’époque une version standard d’abord, puis quelques années plus tard une édition « enrichie » vendue plein tarif, sans DLC ni mise à jour, exclu PS Vita qui plus est. Pour une fois qu’un Remaster est pertinent, la version Switch se paie le luxe d’une traduction française officielle ! Pour 20 euros vous auriez tort de vous en priver. Dites moi si mon avis vous donne envie d’y jouer !

Un test à lire avec cette musique dans le fond :


♪ Every Day’s Great at Your Junes ♪

Contrairement à Persona 3 qui nous fait vivre dans la ville imaginaire de Tatsumi Port Island et Persona 5 qui nous plonge carrément dans Tokyo et ses lieux emblématiques (Shibuya, Hachiko Statue, Asakusa), Persona 4 nous installe à Inaba, une petite bourgade japonaise où tout le monde se connaît. Notre protagoniste doit passer 1 an dans le lycée Yasogami, dans un endroit tranquille, avec ses problèmes de patelin paumé, bercé par la rengaine publicitaire du supermarché Junes dont les villageois l’accusent de tuer le commerce de proximité. Tout se passe donc pour le rien et pour l’ennuie, jusqu’à ce que des meurtres étranges viennent bouleverser la quiétude campagnarde.

Rapidement, le protagoniste découvre son pouvoir de Persona et se lie d’amitié avec Yosuke et Chie. Ensemble, ils vont former la base d’un groupe qui cherche à comprendre ce qui se cache derrière ces événements surnaturels, et chercher « la vérité ». Recherche qui sera d’autant plus compliquée car votre oncle Dojima, enquêteur de police chargé de l’affaire, voudra vous protéger de cette affaire, et vous lui cacherez votre double vie …

Cette atmosphère m’a rappelé Jojo’s Bizarre Adventure Part 4 : une petite ville du nom de Morioh, bourgade sympathique aux habitants délurés, devient la scène silencieuse d’un tueur en série que Josuke, fils illégitime de Joseph, tentera d’arrêter suite à des événements le liant directement au criminel. Pas de tentative de sauver le monde : juste retrouver le calme auquel cette ville aspire.

Persona et Stand, même combat ?

The Midnight Channel

La Midnight Channel est l’idée forte et singulière du jeu. Une chaîne de télévision qui reflète des désirs cachés, où apparaissent des personnes qui, peu après, disparaissent pour se retrouver prisonnières dans un autre monde. On découvre vite qu’elles ont toutes un point commun, et qu’une main humaine les a poussés « dans le monde de la télé ». Sauf que rester dans cette télévision signifie mourir, et le protagoniste apprend vite qu’il s’agit en fait d’un modus operandi d’un tueur en série.

Le thème central s’impose : la quête de la Vérité. Le héros refuse les apparences, il veut comprendre qui tire réellement les ficelles et démasquer le vrai coupable.

Et c’est là que Persona 4 brille vraiment : la révélation de ce coupable est l’une des plus convaincantes et marquantes que j’ai vécues dans un jeu. À un moment crucial, cela sera au joueur de mettre un point final à l’enquête en faisant des choix. Cette confrontation avec nos décisions rend l’expérience unique et singulière.

En revanche, le jeu a un peu vieilli sur ce point : il est très facile de tomber sur une mauvaise fin, et il faut parfois recharger une sauvegarde pour rectifier le tir. Atlus avait anticipé le problème en conseillant de sauvegarder avant… mais aucun joueur de Persona ne saurait se contenter d’une fin bancale en pensant qu’elle est la vraie.


Deadline

La gestion du temps est un autre aspect marquant. Chaque enlèvement entraîne une course contre la montre : il faut sauver la victime avant que le brouillard ne recouvre Inaba. Le jeu ne donne pas de durée précise : on scrute la météo à la télévision, on écoute les NPC répéter « On dirait qu’il va pleuvoir plusieurs jours, le brouillard risque de se lever… » et on ressent une angoisse permanente.

C’est une mécanique d’une redoutable originalité : je me suis surpris à calculer mes mon emploie du temps, à hésiter entre progresser dans le donjon ou prendre du temps pour un social link. L’ombre de la deadline planait toujours, et je ressentais une vraie tension, parfois proche du stress réel, du moins au début de l’aventure.


Heart Beat 🎵

Ce qui fait la force de Persona, ce sont toujours ses personnages. Et ici, ils brillent. Yosuke, Chie, Yukiko, Kanji, Rise, Naoto, Teddy… chacun est à la fois archétypal et profondément humain. Leurs crises existentielles sonnent justes, parfois même en avance sur leur temps : l’identité troublée de Kanji, la pression des normes subie par Naoto… On les voit grandir, lutter et s’accepter, et on s’attache à eux.

Vous aurez l’occasion de passer des vacances avec eux … et leurs soucis d’adolescents.

Mais le jeu ne se limite pas aux héros. Inaba regorge de social links touchants ou originaux. Nanako et Dojima m’ont particulièrement marqué : suivre leur histoire m’a serré le cœur. Nanako, petite fille lumineuse mais touchée par l’absence de sa mère, fauchée par une voiture, fille de Dojima, elle vous prendra pour grand frère adoptif ; Dojima, le père rongé par le besoin de vérité, qui oublie parfois de prendre soin de sa propre fille. Les scènes avec eux m’ont bouleversé. J’avais envie de secouer ma console, de secouer Dojima, de lui dire : « Ta fille a besoin de toi maintenant, pas seulement d’un coupable plus tard. ». J’ai ressenti la même tristesse qu’eux.

Mention spéciale pour le Renard, ce social link improbable et pourtant marquant. Atlus a toujours su injecter une pointe d’originalité dans ses personnages secondaires. Le Renard incarne ça à la perfection : étrange, décalé, mais inoubliable. C’est ce genre de détail qui donne à Persona 4 sa saveur unique, et que j’ai parfois senti un peu lissée dans Persona 5.

Passer une année à tisser des liens avec eux donne une toute autre attache à la ville d’Inaba : cela donne réellement l’impression de se sentir chez soi. Je me suis même surpris à passer du temps avec certains personnages, plutôt que d’autres pour maximiser mes liens, car « je les aimais bien ». Et petite parenthèse, j’ai trouvé la province d’Inaba assez proche du Japon rural que j’ai pu visiter en 2016 et 2018. Est ce que ce jeu ne vous donne pas envie de visiter ce pays ?


Heart Break 🎵

On en viendrait presque à oublier que Persona 4 est un RPG : un dungeon crawler au tour par tout basé sur une mécanique de Faiblesse / Resistance, nommé Press Turn. Frapper une faiblesse adverse permet d’enchainer les attaques, vous comme adversaire compris. Il convient donc de créer l’équipe avec le moins de faiblesse pour un donjon, et de changer de Persona au bon moment. Si vous voulez en savoir plus sur le système de combat, laissez moi un commentaire et je traiterai tous les Persona auquel j’ai joué d’un coup car la mécanique n’a pas changé depuis Persona 3. Les Donjons disposent cette fois ci d’une identité propre, comme Persona 5, mais sont générés procéduralement, comme Persona 3. La mécanique est un peu obsolète, et les donjons sont finalement assez ennuyeux à parcourir une fois la découverte de leur thématique et mécanique singulière faite.

Techniquement, le jeu accuse son âge. Même en version Golden, le lifting HD ne suffit pas à masquer ses origines PS2. La direction artistique reste cohérente, épurée et soignée, mais le rendu graphique 3D est daté. Par moments, j’ai hésité à mettre ma partie en pause pour attendre Persona 4 Revival, le remake récemment annoncé. A titre de comparaison, FFX sorti 6 ans plus tôt et FF12 sortie 2 ans avant sont déjà graphiquement bien plus abouti. Nous pourrons aussi remarquer qu’un tel jeu de niche ne bénéficie pas du même budget que ces titres, Persona n’était pas aussi connu qu’aujourd’hui. Heureusement que cela ne fait pas tout !

La Direction Artistique est solide, et les artworks liftés permettent au titre de quand même tenir la route graphiquement.

La difficulté est aussi maladroite : en difficile, le début est une épreuve brutale, mais une fois l’équipe montée en puissance, le jeu devient étrangement simple. Atlus n’avait pas encore trouvé l’équilibre parfait qui viendra avec Persona 5 Royal. Sachez que le jeu permet de savourer l’histoire en ajustant vous même votre difficulté : plus d’XP, plus de dégats, etc. L’expérience difficile permet de mieux se rendre compte la tension que ressentent les personnages en parcourant les donjons, cela nous met en phase avec eux. A noter que la gestion des SP (l’équivalent des points de magie) se révèle plus simple que dans Persona 3, car le Renard et un personnage vous permettront de les regagner plus simplement qu’avant.

Certains boss sont de vrais murs de difficulté.

Quant aux ajouts de Golden (nouvelles relations, scènes bonus, épilogue), ils sont agréables mais restent modestes. Rien de comparable à la transformation de fond opérée dans Royal. Sans rien spoiler, car cela fait quand même parti du sel du jeu, l’extension rajoute un personnage au scénario, un donjon à thème, des dialogues, un trimestre, et des persona supplémentaire … que vous pouvez totalement louper (pensez à bien maximiser une certaine personne amnésique avant décembre)

Le trimestre bonus vous donnera l’occasion de terminer les relations sociales, et de découvrir l’hiver sur Inaba.

Heaven 🎵

Un mot enfin sur la musique, car elle fait partie intégrante de l’expérience. Shoji Meguro a encore une fois signé une bande-son exceptionnelle, capable d’installer en un instant la joie, la tension ou la mélancolie.

Pourtant, j’avoue avoir une préférence pour l’ouverture originale de Persona 4, Pursuing My True Self, avec son introduction jazzy au piano, inoubliable. Shadow World, ajoutée dans Golden, avec son ton plus champêtre, m’a paru moins marquante. C’est la même impression que pour Persona 5 : Get Up, Get Out There (classique, jazzy, punchy) m’a davantage marqué que Colors Flying High (plus moderne, mais moins incarnée).

Mais certaines pistes de P4 resteront à jamais gravées, à commencer par Heaven, thème d’un des donjons, qui m’a bouleversé. Rarement une musique m’a autant donné le sentiment de flotter entre sérénité et mélancolie. C’est une force des Persona : leur bande-son devient une part de nos souvenirs de jeu. Encore aujourd’hui j’écoute les titres dans mes playlists personnelles.


I’ll Face Myself

Malgré ses limites, Persona 4 Golden reste une expérience marquante. Longue, parfois trop, au point que j’ai dû faire une pause et jouer à Bayonetta 3 pour éviter l’overdose, mais profondément humaine et gratifiante. On y retrouve déjà tout ce qui fera le succès, ou plutôt la démocratisation de la saga avec Persona 5 : les thématiques jungiennes, le mélange de quotidien et de fantastique, l’importance donnée aux liens humains. Je ne regrette aucune heure passée là bas.

Chaque Persona est unique. P3, P4, P5 : trois époques, trois atmosphères, trois thématiques, mais une même intensité émotionnelle.

Persona 4 Golden n’est pas seulement un RPG : c’est une plongée dans une petite ville japonaise bouleversée par une série de meurtres, mais surtout une histoire humaine, où des adolescents affrontent leurs peurs, apprennent à s’accepter et à se révéler. C’est à vous de voir si vous voulez partager leur vie l’espace d’une année de jeu, ou une centaine d’heures. Personnellement, je retournerai à Inaba volontier l’année prochaine, date supposée de la sortie de Persona 4 Revival.

Le teaser promet un beau lifting, mais sera sans doute sans les ajouts de Golden, comme Persona 3 Reload n’a pas les ajouts de la version PSP.

Oui, Atlus abuse avec ses rééditions. Oui, les graphismes trahissent son âge. Mais rien n’efface l’attachement à Inaba, à ses habitants, à sa brume inquiétante et aux sourires réconfortants de Nanako, Teddy, Yukiko ou Dojima.

Une œuvre singulière, qui mérite encore aujourd’hui qu’on s’y consacre, un titre qu’on aime, tout simplement. D’ailleurs : certains joueurs doivent leur vie à ce titre à en croire certains témoignages : https://afterstorygaming.com/2015/11/06/how-persona-4-golden-saved-my-life/ .

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