Le souvenir d’un monument

J’avais joué à Resident Evil 4 sur GameCube à sa sortie. Ce jeu fut l’une des baffes de joueur que je me suis pris : un jeu magnifique, une ambiance folle, une maniabilité dingue, des récompenses savamment dosées, et un équilibre entre l’action et l’horreur suffisamment subtile pour que je joue à mon premier Resident Evil de ma vie.

Je l’avais littéralement poncé, découvert tous ses secrets, fini toutes ses difficultés. Je le connaissais par cœur. Chaque zone, chaque combat, chaque montée de tension me revenaient en tête comme un vieux réflexe. La cabane du village qui fait venir l’homme à la tronçonneuse, la maison qui se fait assiéger par les Ganados, l’entrée dans le château de Salazar, cryogéniser un de ses sbires pour le tuer, et le fameux laboratoire de Saddler. Sans exagérer, à l’époque, RE4 était pour moi l’un des meilleurs jeux du monde. La presse était d’ailleurs unanime : Un choc, et sur GameCube ! Un marqueur temporel qui allait définir ce que seraient certains jeux de demain. Un de ces jeux qui te font comprendre pourquoi tu aimes vraiment le jeu vidéo.

Resident Evil 4 Remake : le GOAT

La question du remake

Quand Capcom a annoncé le remake, je n’ai pas eu peur, pas vraiment. Mais je me suis quand même posé une question très simple : comment refaire mieux qu’un jeu qui frôlait déjà l’excellence sans donner l’impression de simplement rejouer à RE4 en plus beau et moins rigide ? Comment éviter le piège du remake nostalgique, flatteur pour les yeux mais creux dans sa proposition ?

Pour rappel : un remake est une refonte et réinterprétation d’un ancien jeu, là où un remaster se contente souvent d’être un lifting avec des améliorations de quality of life (gain d’XP bonus dans les RPG, lissage, mode 60Fps …)

Le remake dans le backlog

C’est compliqué un Remake dans un Backlog : RE4 y est resté longtemps. On connait le jeu original, et on ne sait pas si le remake sera meilleur… J’ai fini par tomber sur la version Gold avec l’extension sur PS5 à 35€, et je me suis dit que le moment viendrait. Je connaissais tellement bien le jeu original que je préférais attendre une vraie envie d’y retourner, pas juste céder à l’appel du souvenir. Quand on a encore des dizaines, voire des centaines de jeux à faire, la nostalgie peut coûter cher. Surtout en temps. Alors on réfrène certaines envies de vieux jeux … et j’ai bien fait !

Je m’attendais donc à un très bon jeu. Un remake solide. Respectueux. Bien produit. Et… je me suis retrouvé, une fois de plus, complètement happé.

Synopsis

Resident Evil 4 se déroule plusieurs années après les événements de Raccoon City. Leon S. Kennedy, désormais agent spécial pour le gouvernement américain, est envoyé en Europe afin de retrouver Ashley Graham, la fille du président, mystérieusement kidnappée. Sa mission le mène dans une région rurale isolée, où les habitants se montrent rapidement hostiles et profondément dérangeants. Très vite, Leon découvre qu’il ne s’agit pas d’un simple enlèvement, mais d’une menace bien plus vaste impliquant une secte, des expérimentations biologiques et une infection capable de transformer les hommes en créatures fanatiques prêtes à tout. Isolé, sous-équipé et constamment sous pression, Leon doit avancer, comprendre ce qui se trame et survivre, coûte que coûte.

Plus qu’un simple lifting

Il faut être clair : RE4 Remake n’est pas un simple lifting. Ce n’est pas un RE4 en HD. C’est RE4, mais réinterprété, rééquilibré, repensé dans ses entrailles. L’ambiance est incroyable. L’acting se veut plus professionnel. Le côté nanard, déjà présent à l’époque, est encore plus assumé, plus volontaire, presque jubilatoire. Les graphismes sont sublimes, mais surtout au service de quelque chose de plus important : l’ambiance et la tension.

Certains combats redeviennent très impressionnant !

Les QTE ont aussi été revues : celles ci ne sont plus des cinématiques avec des boutons à appuyer, mais des vrais réflexes de Ninja a avoir, très gratifiant lorsque maitrisé, mais aussi très punitif … Un parti pris qui peut déplaire à certains.

Tension permanente et maîtrise des nerfs

La maniabilité est nerveuse, précise, exigeante. Le jeu te met constamment sous pression. La peur ne vient pas seulement des ennemis, mais de l’incertitude permanente. Des munitions qui fondent trop vite. Des pièges à loup au début du jeu qui t’immobilisent. D’un ennemi qui, parfois, ne vacille pas malgré une cartouche de pompe en pleine tête. De l’IA qui surprend (un peu), qui encercle, qui insiste. Plus tu as de munitions et plus le jeu est dur ! Le jeu joue avec toi, avec tes nerfs, avec ta confiance. Même si mon nombre de morts est important, c’est surtout lié à celles d’Ashley, qui ne peut pas s’empêcher de se faire capturer ou de s’interposer entre mon fusil et l’adversaire. Des efforts ont été faits, mais cela reste malheureusement insuffisant de ce côté, et qu’est-ce que c’est rageant… Mais on finit par s’y faire.

La maniabilité mérite qu’on s’y attarde. Elle est complexe, oui, mais surtout parfaitement ajustée. Elle demande un vrai temps d’adaptation pour apprendre à s’organiser, à jongler entre les armes, à gérer l’inventaire et les situations d’urgence sans céder à la panique. Une fois ce cap passé, tout devient d’une précision redoutable. Chaque action est millimétrée, exigeante, et totalement alignée avec la philosophie du jeu. Le feeling sur la manette PS5 est excellent : chaque tir, chaque parade, chaque coup de couteau transmet une vraie sensation de maîtrise… et rend chaque erreur immédiatement tangible.

Il faut aussi préciser une chose importante : il n’est désormais plus possible d’abuser de la maniabilité comme avant. Sur GameCube, la maniabilité, bien qu’un peu rigide avec le recul, permettait d’exploiter assez facilement le comportement des Ganados, à tel point que le jeu devenait une promenade de santé ! Un tir bien placé dans le genou, l’ennemi s’effondrait, un coup de pied suivait, souvent fatal, et on se mettait à l’abri avant toute transformation. Il était même possible, dans certaines situations, de littéralement traverser les ennemis. Ne parlons pas du couteau qui était sans doute l’une des armes les plus pétée du jeu. Ici : il devient destructible, et se brisera (très) vite !

Son amélioration fut l’une de mes priorités

Ici, tout cela est terminé. Les adversaires peuvent feinter une réaction pour repartir aussitôt à l’attaque, et il faut parfois viser avec une précision chirurgicale pour espérer les faire flancher. Les points faibles provoquent désormais des réactions variées, moins prévisibles, et les transformations sont presque systématiques. Le jeu ne laisse plus place au confort : mieux vaut prier pour avoir quelques grenades aveuglantes sous la main. On se surprendra à switcher avec son fusil à pompes lorsque nos balles de pistolet ne marcheront pas comme prévu ! Comme dit précédemment : le jeu vous force à vider votre arsenal en plaçant des adversaires beaucoup plus résistants.

Immersion totale

L’immersion sonore est folle. Pour une fois, j’ai joué avec le son à fond, dans le silence, dans le noir. Chaque bruit compte. Chaque pas, chaque grognement, chaque rechargement devient un micro-événement. Des grognements dans des buissons pour indiquer la présence de chiens, des portes et des vitres qui claquent, des ombres qui passent avec un bruit inquiétant, le cliqueti de mille-pattes qui laissent supposer des put*** d’araignées géantes à proximité … Du grand art, vraiment !

Visuellement, le jeu franchit un vrai cap. Les graphismes ne sont pas là pour en mettre plein les yeux gratuitement, mais pour servir l’immersion. Les jeux de lumière sont impressionnants : torches vacillantes, intérieurs faiblement éclairés, extérieurs baignés dans une lumière froide ou crépusculaire qui met immédiatement mal à l’aise. Chaque zone a sa propre identité visuelle, et l’obscurité n’est jamais décorative, elle est toujours signifiante. Pour la première fois depuis longtemps, j’ai vraiment eu la sensation de jouer à un jeu pleinement next gen, où la technique renforce l’ambiance plutôt que de la parasiter.

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À 17 ans, je jouais plus prudemment. Aujourd’hui, je pensais pouvoir foncer, être plus audacieux. Déjà l’ambiance m’en a dissuadé tellement j’étais pris. Et quand la confiance s’est installée : le jeu m’a calmé très vite : Il m’a puni sans hésiter! Assiégé, litéralement démembré par mes adversaires en surnombre sans que je comprenne pourquoi, ou avec des pouvoirs inédits. Il m’a aussi récompensé quand j’ai compris ce qu’il attendait de moi, lorsque certaines situations vous obligent à aller vite pour ne pas se faire surprendre. L’immersion se retrouve jusque dans le sang froid à conserver, comme notre personnage, pour le pas perdre pied !

Un remake qui ose ajuster le fond

Et non, les différences avec le jeu de base ne se limitent pas aux graphismes. Le scénario a été affiné, les décors retravaillés, certaines zones réimaginées. Le combat contre Krauser n’est plus un enchaînement de QTE sans âme, et on comprend enfin pourquoi il nourrit une telle haine envers Leon. Le lore est mieux disséminé, plus subtil, et permet de donner de l’épaisseur à des personnages comme Saddler et Salazar. Ada et Wesker sont toujours aussi iconiques, mais mieux utilisés pour les autres titres Resident Evil. Même Luis bénéficie d’un traitement plus cohérent, plus juste. Rien n’est gratuit. Tout sert l’ensemble.

Le remake revoit clairement Leon sous un angle plus torturé, bien plus en phase avec la direction prise par les autres remakes de la saga. Fini l’image un peu simpliste de l’ancien flic catapulté garde du corps de la fille du président. Ici, Leon est un survivant marqué par Raccoon City, usé, fatigué, parfois désabusé. Son passé pèse sur chacune de ses réactions, sur son silence, sur sa manière d’avancer coûte que coûte. Cette réécriture le rend plus cohérent, plus crédible, et surtout beaucoup plus intéressant à suivre.

Ashley, souvent critiquée dans le jeu original, est ici bien mieux écrite. Moins agaçante, plus crédible, oscillant entre fragilité et force. On y croit davantage. La relation qu’elle entretient avec Leon gagne en justesse et devient même touchante, sans jamais tomber dans l’ambiguïté. Elle offre aussi une sequence de jeu réellement horrifique et angoissante ! Une partie très réussie.

Ashley dispose d’une nouvelle manière de jouer sa séquence !

Seul le marchand n’a pas su bénéficier d’ajouts, mais il n’en avait pas besoin. Mais … ils lui ont retiré son célèbre « What are ya buyin’ ? » icônique T.T …

Le plaisir de jouer, vraiment

Ce que j’ai surtout ressenti, c’est des plaisirs rare. Le plaisir d’avoir peur. Le plaisir de mourir, parfois de manière spectaculaire. Le plaisir de réussir, sans jamais avoir l’impression que le jeu te prend par la main. RE4 Remake n’est pas trop long, mais il regorge de secrets et de détails qui donnent envie de s’y attarder. Il te laisse vivre l’aventure du début à la fin, sans s’éparpiller. Il te récompense aussi lorsque tu t’attardes à trouver ses bonus, par de l’argent pour améliorer tes armes ! Il te permet aussi de le performer pour les joueurs les plus exigeants. Un jeu qui peut s’adapter à votre manière de jouer, tout en offrant une expérience qui saura satisfaire et donner l’impression de se dépasser !

Le jeu dispose de scènes vraiment violentes

Verdict personnel

Au final, je recommande le jeu aussi bien aux novices qu’aux anciens joueurs de RE4. Le jeu se permet même de troller gentiment en expliquant que le mode difficile est pensé pour les joueurs du jeu original. En réalité, le remake est clairement plus dur. Je conseillerais le mode facile aux nouveaux venus, et le mode normal à ceux qui connaissent déjà RE4, afin de garder le plaisir du mode difficile une fois bien habitué. Il m’a même donné envie de me replonger dans les remakes de RE2 et RE3… alors que ce ne sont pas des épisodes qui m’intéressent initialement.

Classique !

Attention toutefois : le jeu n’est pas fait pour les cardiaques ni pour ceux qui détestent la pression constante. Ici, quand tu as beaucoup de munitions, c’est souvent pour mieux te les faire perdre. Et je conseille vraiment de le lancer seulement si tu es sûr de pouvoir le finir dans les deux ou trois semaines. Les contrôles sont exigeants, et l’ambiance s’installe progressivement. Reprendre en cours de route peut être déstabilisant. Pour les joueurs aguéris, finir le mode normal en une semaine n’est pas impossible.

Enfin, pour contextualiser : j’ai fini le jeu en mode normal sur PS5 en 18h, en prenant mon temps et en complétant la quasi intégralité des quêtes annexes disponibles lors d’une première run, avec les bonus de l’édition gold (plus de trésors). Ma seconde run, armé jusqu’au dent, m’a tenu quelques heures jusqu’au château de Saddler et je me suis arrêté là avant de faire l’extension ! Je ne suis pas un très bon joueur, mais j’avais fini RE4 pour la dernière fois il y a une quinzaine d’années.

En conclusion

Beaucoup disent que ce remake n’ose rien. Personnellement, je pense que le jeu de base avait déjà atteint un tel niveau d’excellence que le remake n’avait pas besoin de tout révolutionner. Il le transcende, simplement, en affinant chaque curseur avec une justesse impressionnante. Et pour moi, c’est largement suffisant.

Capcom a d’ailleurs déclaré que les remakes constitueraient désormais la continuité officielle de la saga. Avec RE4 Remake, on comprend que cette ambition est non seulement crédible, mais parfaitement maîtrisée, même sur un jeu que l’on pensait intemporel.

J’ai adoré cette redécouverte. Et je vais enchaîner sur l’extension Separate Ways avec plaisir, même si le fait qu’elle soit aujourd’hui proposée en DLC payant reste un léger bémol : il était intégré au jeu de base dans sa version originale.

RE4 Remake ne propose peut-être rien de radicalement nouveau. Mais parfois, quand tout est déjà aussi bien fait, il n’y a rien à ajouter. Juste à savourer.

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